Brèves juridiques

L'amendement "FIFA"

 

Le cabinet analyse la décision rendue le 28 décembre 2023 par le Conseil constitutionnel par laquelle ce dernier a jugé l'article 31 de la loi de finances pour 2024 issu de l'amendement dit "FIFA" contraire à la Constitution. 

 

 

Les faits

 

Le 18 octobre 2023, le Gouvernement a déposé devant l’Assemblée nationale un amendement (n°I-5410) visant à ajouter dans le projet de loi de finances pour 2024 un article visant à exonérer d’impôt sur les sociétés, de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité International Olympique ("CIO") à raison des bénéfices réalisés en France au titre de leurs activités afférentes à leurs missions de gouvernance du sport ou de promotion de la pratique du sport et à exonérer d’impôt sur le revenu les rémunérations versées au titre de ces activités aux salariés de ces fédérations domiciliées en France, jusqu’à la cinquième année civile suivant celle de leur première prise de fonctions.

 

Cet amendement a été surnommé “amendement FIFA” par les médias.

 

Recours au 49.3

 

Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, cet amendement a créé l’article 3 sexvicies du projet de loi. Le 25 novembre 2023, des sénateurs ont déposé, en première lecture devant le Sénat, des amendements de suppression de cet article. Cette suppression a été votée par les sénateurs.

 

Le 13 décembre 2023, lors de la nouvelle lecture du texte devant l’Assemblée nationale, un député du groupe Renaissance a déposé un amendement (n° 156) visant à rétablir cet article.

 

Le 14 décembre 2023, le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur le texte comportant l’article 3 sexvicies rétabli, par application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Une motion de censure ayant été rejetée le 16 décembre 2023, le texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 21 décembre 2023, l’article 3 sexvicies devenant l’article 31 de la loi.

 

Principe d'égalité

 

Selon l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, la loi “doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse” et selon son article 13pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

 

Deux principes se dégagent de ces textes : celui d’égalité devant la loi fiscale et celui d’égalité devant les charges publiques, ces deux principes constituant les deux branches du principe d’égalité devant l’impôt. Si ce principe ne signifie pas que les contribuables doivent tous supporter le même montant d’impôts, il implique qu’ils soient tous égaux devant le principe de la contribution aux charges publiques.

 

Fiscalité incitative

 

La fiscalité est néanmoins un instrument de la politique économique du gouvernement. Certaines mesures fiscales peuvent donc être incitatives et, de ce fait, inégalitaires.

 

A cet égard, le Conseil constitutionnel considère que “le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général, pourvu que les règles [que le législateur] fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs” (décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000).

 

Le recours à la fiscalité incitative n’est donc pas, par principe, contraire à la Constitution.

 

Critères constitutionnels

 

Si le recours à la fiscalité incitative n’est pas en soi contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel ne le laisse pas sans contrôle pour autant. Son contrôle en la matière est même plus approfondi qu’en matière de fiscalité de rendement.

 

Ainsi, eu égard au principe d’égalité, il ne reconnait la validité des mesures d'incitation, résultant de l'octroi d'avantages fiscaux, que si celles-ci sont fondées sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés par le législateur (décision n° 2011-121 QPC du 29 avril 2011, Unilever).

 

Autrement exposé, l’objectif revendiqué par le législateur doit être clairement défini et être en adéquation avec les mesures incitatives ou dissuasives qu’il est censé justifier.

 

Décision du Conseil constitutionnel

 

Plusieurs parlementaires ont déféré la loi de finances pour 2024 au Conseil constitutionnel qui, par décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, a jugé son article 31 contraire à la Constitution : en fondant les exonérations fiscales accordées à certaines fédérations sportives internationales et leurs salariés, y compris lorsqu’ils sont déjà domiciliés fiscalement en France, sur la seule reconnaissance de ces fédérations par le CIO, le législateur n’a pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi qui était d’inciter ces fédérations à installer leur siège social en France.

 

En effet, ces exonérations auraient bénéficié à des fédérations y étant déjà installées. De plus, la seule reconnaissance d’une fédération par le CIO ne saurait justifier que ses salariés soient exonérés d’impôt, a contrario de ceux d’une fédération non reconnue par le CIO.