Une fédération sportive délégataire peut-elle valablement interdire à un sportif étranger, citoyen de l'Union européenne, de participer à un championnat de France amateur ? C'est à cette question que le Conseil d'État a répondu par un arrêt du 27 juin 2024 (n° 491138), dans une affaire ayant opposé les parents d'un joueur de badminton britannique mineur, résidant en France, à la Fédération Française de Badminton.
Les faits
Selon l’article 2.11.2 du règlement général des compétitions de la Fédération Française de Badminton (“FFBaD”) "les règlements complémentaires peuvent prévoir des clauses limitant, dans le respect de la réglementation en vigueur, l'accès d'étrangers à une compétition” et aux termes de l'article 3.1 de son règlement sur le statut des joueurs étrangers “seuls les joueurs et joueuses titulaires d'une carte d'identité ou d'un passeport français sont autorisés à participer aux championnats de France individuels et aux étapes des circuits qualificatifs pour ces championnats".
Les parents d’un joueur mineur britannique vivant en France, ont demandé à la FFBaD de modifier ces règlements, en tant qu'ils interdisent aux licenciés dans les catégories jeunes, n'ayant pas la nationalité française, de participer à certaines de ses compétitions.
La procédure
L’absence de réponse de la FFBad à leur demande dans un délai de deux mois a fait naître une décision implicite de rejet de celle-ci, par application de l’article L.231-4 du Code des relations entre le public et l’administration.
Les requérants ont alors demandé au Tribunal administratif de Montreuil d’annuler cette décision et d’enjoindre, sous astreinte, à la FFBaD de modifier le règlement de ses compétitions afin de faire cesser ce qu’ils considéraient être une discrimination fondée sur la nationalité des joueurs.
Par application de l’article R.351-2 du Code de justice administrative, le Tribunal administratif de Montreuil a transmis leur requête au Conseil d’État, compétent en la matière en vertu de l’article R.311-1 du Code de justice administrative.
Les moyens de droit
Les requérants fondaient leur demande :
Position de la CJUE
En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne (“CJUE”) considère qu’une réglementation d’une fédération sportive nationale en vertu de laquelle un citoyen de l’Union, ressortissant d’un autre État membre, qui réside depuis de nombreuses années sur le territoire de l’État membre où est établie cette fédération et où il pratique un sport en amateur, ne peut pas participer aux championnats nationaux au même titre que les nationaux est contraire aux articles 18, 21 et 165 du TFUE, “à moins que cette réglementation ne soit justifiée par des considérations objectives et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi” (CJUE, 13 juin 2019, n° C-22/18).
Toute discrimination n’est donc pas interdite et le juge national dispose d’une marge de manœuvre pour apprécier si la réglementation en cause remplit les critères permettant sa justification.
Position du juge administratif
Par ailleurs, les principes de libre accès aux activités sportives issu de l'article L.100-1 du Code du sport et d’égalité, auxquels les fédérations sportives délégataires ne peuvent légalement porter atteinte “que dans la mesure où ces atteintes ne sont pas excessives au regard des objectifs poursuivis” (CE, 16 mars 1984, Broadie, n° 50878), sont souvent invoqués dans le contentieux relatif aux règlements fédéraux prévoyant des critères de nationalité.
A cet égard, le Tribunal Administratif de Paris avait par exemple estimé que la condition de nationalité française imposée pour participer aux championnats de France de taekwondo, sans possibilité de dérogation pour les étrangers séjournant régulièrement en France depuis une durée raisonnable, était contraire au principe de libre accès au sport de haut niveau (TA Paris, 10 déc. 1996, n° 9516680/6).
Décision du Conseil d'État
Au regard de ces éléments, l’argumentation des requérants n’était donc pas dénuée de pertinence. Néanmoins, le Conseil dÉtat a estimé que la restriction prévue par les règlements de la FFBaD ne concerne que “les épreuves individuelles des championnats de France et les étapes des circuits qualificatifs pour ces championnats” et qu’elle est “justifiée par l'objectif de distinguer les meilleurs badistes nationaux en leur décernant les titres de champion de France dans chacune des catégories concernées en individuel et est, au regard de ses effets limités sur la pratique en compétition, nécessaire et proportionnée à cet objectif”.
Il a donc considéré qu’elle ne méconnaît ni l’article 18 du TFUE, ni les principes d'égalité et de libre accès aux activités sportives (CE, 27 juin 2024, n° 491138).
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Avocat en droit du sport - Mandataire sportif - Paris